Hémorragie du post-partum

Définition : pertes sanguines ≥ 500 ml après l’accouchement; l’hémorragie est sévère pour des pertes sanguines ≥1000 ml, quelle que soit la voie d’accouchement +++

  1. Ballonnet de Tamponnement Intra Utérin
  2. Embolisation artérielle
  3. Techniques chirurgicales conservatrices
    3.1 Ligatures artérielles
    3.2 Capitonnage utérin
  4. Techniques chirurgicales non conservatrices

Indication :
Persistance d’un saignement actif après l’accouchement malgré délivrance du placenta avec révision utérine et suture des déchirures périnéo-génitales

NB : utilisé principalement lors d’un accouchement voie basse mais peut être utilisé en per-césarienne et même post-césarienne

Prérequis :
Analgésie suffisante
Antibioprophylaxie (cf protocole de service)
Révision utérine préalable
-Technique de pose connue

Technique :

  1. Avant la pose: installer le système de gonflage du ballon ainsi que de la poche de recueil
  2. Introduire le ballon à l’intérieur de la cavité utérine en utilisant son index et son majeur comme guide
  3. Gonfler le ballon, avec contrôle échographique du bon positionnement (au niveau du segment inférieur de l’utérus), jusqu’à 500 mL (300 mL minimum)
    NB: possibilité de gonfler le ballon avec tous les solutés sauf du G5/ G10
Schéma de la manœuvre de gonflage du ballon

4. +/- Pour maintenir le ballon en bonne position, mettre une « mèche à prostate » intra vaginale ou des champs tassés dans le vagin (noter le nombre de champs utilisés)

Surveillance :
Clinique : volume de sang dans la poche de recueil, fréquence cardiaque ++
Échographique : vérifier qu’un hématome ne se forme pas dans le fond utérin
Retirer le ballon après 12 à 24h de pose (possibilité de le dégonfler en un ou deux temps), vérifier que le nombre de champs enlevés correspond au nombre de champ posés en intravaginal

Indications :
-Patiente hémodynamiquement stable
Plateau de radiologie interventionnelle accessible rapidement
-Préférentiellement après un accouchement voie basse (aussi envisageable après une césarienne)
Anomalie d’insertion placentaire (praevia, accreta)
Thrombus vaginal
Déchirure cervico-vaginale suturée ou non accessible à un geste chirurgical

NB :
-Possible après échec des ligatures artérielles (sélectives ou proximales) ou après une hystérectomie (de réalisation technique plus difficile
-L’existence d’une coagulopathie n’est pas une contre-indication à la réalisation d’une embolisation

Technique : (réalisée par le radiologue interventionnel)

  1. Embolisation sélective des artères utérines ou à défaut des troncs antérieurs des artères iliaques internes

    NB : agent d’embolisation = fragments résorbables de gélatine (bouillie de gélatine)
  2. Examen gynécologique par l’obstétricien pour contrôler l’efficacité du geste
  3. Pansement compressif au point de ponction
Schéma de l'embolisation artérielle

Indications :
-Patiente hémodynamiquement instable
-Hémorragie massive
-Embolisation non disponible
-HDD per césarienne

NB :
-Si la réalisation d’une ligature ou d’un capitonnage ne semble pas suffisante, il est possible d’associer les 2 méthodes avant d’envisager un traitement non conservateur
-Ces différentes techniques nécessitent l’extériorisation de l’utérus qui sera tracté vers le haut par l’aide

Prérequis : Toujours débuter par la suture de l’hystérotomie si l’on se trouve en per-césarienne
NB : Pour chacune des techniques décrites des points simples suffisent

Technique :

  1. Utérus tracté en haut et en dehors par l’aide
  2. Inciser le péritoine pariétal en regard de l’artère iliaque externe, en dessous du ligament lombo-ovarien et au-dessus de l’uretère
  3. Disséquer de l’artère iliaque externe jusqu’à la bifurcation de l’artère iliaque commune
  4. Une fois la bifurcation identifiée, disséquer l’artère iliaque interne sur 2 à 3 cm, puis la charger prudemment sur un dissecteur
  5. Ligaturer l’artère hypogastrique environ 2 à 3 cm, après son origine, avant la naissance de son tronc postérieur
  6. Reproduire les étapes du côté opposé

    Astuce : Débuter par le coté droit (accès plus simple)
Schéma de la ligature bilatérale des artères

Technique :

  1. Réaliser un décollement vésico-utérin
  2. Refouler la vessie par la valve vaginale
  3. Réaliser une fenêtre péritonéale
  4. Faire un point d’arrière en avant au contact latéral de l’utérus, en prenant largement le myomètre, afin de ligaturer l’artère utérine haute
  5. Reproduire l’étape 4 au niveau de l‘artère utérine basse
  6. Reproduire les étapes du côté opposé

NB : Lors d’une césarienne, les ligatures des artères utérines doivent se trouver sous le niveau de l’hystérotomie
Astuce : Bien ouvrir le ligament large

Technique :

  1. Utérus tracté en haut et en dehors par l’aide
  2. Ligature des ligaments ronds
  3. Ligature des ligaments utéro-ovariens
  4. Ligature des artères utérines

Technique : Chaque étape n’est réalisée que si l’étape précédente n’assure pas, dans un délai de 10 minutes, l’arrêt de l’hémorragie

  1. Ligature unilatérale de la branche ascendante de l’artère utérine comme précédemment décrit
  2. Ligature de l’artère utérine controlatérale
  3. Ligature basse des deux artères utérines et de leurs branches cervicovaginales, 2 cm sous les ligatures précédentes après décollement vésico-utérin
  4. Ligature unilatérale d’un pédicule lombo-ovarien
  5. Ligature du pédicule lombo-ovarien controlatéral

NB : le CNGOF ne recommande pas de réaliser les ligatures de façon unilatérale, au contraire il conseille de réaliser, pour toute ligature vasculaire, une ligature bilatérale

Matériel : aiguille sertie de 70 mm de fil résorbable 0 ou 1

Technique :

  1. Perforer le segment inférieur 3 cm en dessous de l’hystérotomie (ou à ce niveau s’il n’y a pas eu de césarienne)
  2. Faire ressortir l’aiguille 3 cm au-dessus de l’incision
  3. Contourner le fond utérin et redescendre en arrière, en dedans des cornes utérines, pour perforer le segment inférieur postérieur (de dehors en dedans)
  4. Ressortir l’aiguille (de dedans en dehors) latéralement au niveau du segment inférieur postérieur
  5. Remonter latéralement en longeant la face postérieure de l’utérus
  6. Enjamber le fond utérin et redescendre sur la face antérieure
  7. Perforer l’utérus 3 cm au dessus de l’hystérotomie et faire ressortir l’aiguille 3 cm en dessous de l’incision au niveau du segment inférieur (schéma inverse au cote opposé)
  8. Faire comprimer l’utérus par l’aide
  9. Serrer ++ les fils et réalisation de plusieurs nœuds
Schéma montrant les endroits où exercer la plicature

Matériel : Aiguille sertie de 70 mm de fil résorbable 0 ou 1 ou aiguille de Reverdin (cf image) + bobine de fil résorbable 0 ou 1

Technique : Point de capitonnage « en cadre »

Photo de l'aiguille utilisée pour les points en cadre de Cho
  1. Perforer d’avant en arrière l’utérus à l’aide d’une aiguille en se plaçant environ à 4 cm de la corne utérine et 4 cm du fond utérin
  2. Le chemin inverse (d’arrière en avant) va être parcouru à nouveau par l’aiguille quelques cm en dessous du premier point de traversée
  3. Il faudra à nouveau transfixier l’utérus d’avant en arrière latéralement au point précédent
  4. Il faudra répéter une dernière fois l’opération d’arrière en avant quelques cm au dessus du point précédent
  5. Faire comprimer l’utérus par l’aide
  6. Serrer ++ les fils et réalisation de plusieurs nœuds

Ces étapes sont réaliser successivement sur les différents cadrans de l’utérus jusqu’à l’obtention d’une hémostase satisfaisante

Image de la technique de Cho

Indication : échec des techniques précédentes

Technique :

  1. Fermer l’hystérotomie
  2. Inciser le péritoine viscéral jusqu’aux ligaments ronds, à quelques centimètres des cornes utérines
  3. Sectionner les ligaments ronds entre deux pinces à hémostase, puis ligature avec du fil à résorption lente type Vicryl n° 1
  4. Ouvrir le ligament large en avant
  5. Mettre en place une pince de Kocher longue, verticalement sur la corne utérine
  6. Ligaturer les pédicules annexiels (ligaments utéro-ovariens et trompes) après section sur une pince de Faure (en raison du calibre des vaisseaux, une ligature doublée au Vicryl n° 2 est préférable)
  7. Inciser le feuillet postérieur du ligament large verticalement puis décollement de celui ci (ce geste permet d’éloigner l’uretère de l’artère utérine)
  8. Récliner la vessie à l’aide d’une valve
  9. Tracter l’utérus vers le haut
  10. Saisir le pédicule utérin à l’aide d’une pince type Faure, légèrement en-dessous du niveau de l’hystérotomie, puis ligature au Vicryl 2
  11. Prolonger l’hystérotomie latéralement et en arrière (la section est ainsi strictement segmentaire)
  12. Faire l’hémostase de la tranche cervicale par des points en X ou deux hémi-surjets
  13. Vérifier la qualité de l’hémostase
  14. Réaliser une toilette péritonéale
  15. Procéder à la fermeture pariétale
Voir la transcription de l’image

Point sur la SULPROSTONE (NALADOR)

Composition : prostaglandines

Indication : HPP par atonie utérine résistante à un traitement de première intention par Cytocine

Préparation : diluer une ampoule de 500 µg de sulprostone dans 50 ml de sérum physiologique

Administration : 2 possibilités en IVSE

  1. Début de la perfusion avec un débit de 1,7 µg/min (soit une vitesse de 10 ml/h) que l’on augmente si nécessaire par paliers de 1,7 µg/min (10 ml/h) toutes les 10 minutes sans dépasser 8,3 µg/min (soit une vitesse de 50 ml/h).
  2. Début de la perfusion d’emblée par un débit continu de 8,3 µg/min (soit une vitesse de 50 ml/h) de façon à passer une ampoule en 1 heure.

Dose d’entretien : perfusion de 500 µg de sulprostone dans 50 ml de sérum physiologique sur 5 h avec une diminution du débit de 1,7 µg/min (soit une vitesse de 10 ml/h) toutes les heures.


Mode d’administration
Mode d’administration Seringue électrique Perfusion veineuse
Volume de perfusion 500 µg de NALADOR dans 50 mL 500 µg de NALADOR dans 500 mL
Vitesse de perfusion ml/h µg/h
Initiale 10 100
Maximale 50 500
Entretien 10 100

Attention
  • Ne pas oublier d’arrêter le NALADOR si décision d’embolisation
  • Surveillance de l’hémodynamique et du rythme cardiaque maternels ++++
  • Dose totale maximale : 1 500 µg de NALADOR par 24 h (3 ampoules ou 3 flacons)

Contre-indications (bénéfice-risque à évaluer selon contexte)

Bronchite asthmatiforme aiguë ou antécédents d’asthme sévère, bronchite spastique
ATCD et affections cardiovasculaires (angine de poitrine, maladie de Raynaud, troubles du rythme, insuffisance cardiaque, HTA)
Antécédents thrombo-emboliques (embolie pulmonaire, phlébite)
Troubles graves de la fonction hépatique ou rénale
Diabète décompensé
Glaucome
Thyrotoxicose
Colite ulcéreuse, ulcère gastrique aigu
Thalassémie, drépanocytose
Antécédents comitiaux


Effets indésirables (non exhaustif)

Très fréquents (≥ 1/10) : nausées, vomissements
Fréquents (≥ 1/100, < 1/10) : baisse de la TA, spasmes gastriques, diarrhées, fièvre
Peu fréquents (≥ 1/1 000, < 1/100) : rupture utérine


Symptômes d’un surdosage

Bronchoconstriction, bradycardie, variation de la pression artérielle, ischémie du myocarde, cyanose ou dyspnée (signes possibles d’un début d’œdème pulmonaire), hypertonie utérine.

Voir la transcription du schéma

Le haut du schéma se concentre sur les premières minutes de la prise en charge. Il met en évidence l’importance d’une action rapide et coordonnée de l’équipe médicale, incluant l’obstétricien et l’anesthésiste. Les mesures initiales consistent principalement en :

  • Traitement médicamenteux: Administration d’ocytocine pour stimuler les contractions utérines et réduire le saignement.
  • Manœuvres manuelles: Massage utérin et délivrance artificielle si nécessaire.
  • Surveillance: Surveillance de l’état hémodynamique de la patiente (tension artérielle, fréquence cardiaque).

Le bas du schéma détaille les étapes suivantes si l’hémorragie persiste malgré les premières mesures. Il présente une approche en cascade, avec des traitements de plus en plus invasifs :

  • Traitements médicaux: Utilisation de médicaments supplémentaires (acide tranexamique, prostaglandines), remplissage volémique et transfusion sanguine.
  • Techniques interventionnelles: Pose d’un ballon de tamponnement, embolisation des artères utérines.
  • Chirurgie: Ligature des artères utérines, plicature utérine ou hystérectomie en dernier recours.

Ce schéma met en évidence:

  • L’importance d’une prise en charge rapide et efficace.
  • La nécessité d’une approche multidisciplinaire.
  • La progression des traitements en fonction de la réponse de la patiente.
  • L’importance de la surveillance hémodynamique continue.

En résumé, ces algorithmes offrent un guide pratique pour les professionnels de santé afin de gérer une situation d’urgence obstétricale. Ils permettent d’optimiser la prise en charge de l’hémorragie du post-partum et d’améliorer le pronostic maternel.

Voir la transcription du schéma

Algorithme de prise en charge d’une HPP en cours de césarienne

  1. Diagnostic de l’HPP :
    • Volume aspiré (hors liquide amniotique) ≥ 500 ml
    • +/- altération des constantes maternelles
  2. Prise en charge initiale :
    • Équipe obstétricale : hémostase chirurgicale rapide (hystérorraphie, suture des plaies)
    • Équipe anesthésique :
      • Oxytocine (5 à 10 UI IV lente, max 40 UI)
      • Surveillance HPP
      • Maintien de l’hémodynamique (expansion volémique par cristalloïdes)
  3. Si HPP persistante et/ou troubles hémodynamiques :
    • Administration d’utérotoniques (Sulprostone)
    • Prise de mesures complémentaires :
      • Pose d’une 2ᵉ voie veineuse périphérique ≥ 16G
      • Bilan biologique initial : NFSp, TP, TCA, Fibrinogène +/- hémocue®
      • Mise en réserve de culots de globules rouges
  4. Si échec :
    • Hémostase chirurgicale conservatrice :
      • Capiton­nage, compression, ligatures vasculaires (LBAU ou)
  5. Si nouvel échec :
    • Prise en charge anesthésique avancée :
      • Oxygène
      • Prévention de l’hypothermie
      • Maintien de la pression artérielle (remplissage, vasopresseurs)
      • Conversion éventuelle en AG si instabilité
      • Limitation des halogénés (risque d’atonie)
      • +/- Acide Tranexamique
      • +/- Transfusion (culots de globules rouges, plasma frais congelé, fibrinogène, plaquettes)
  6. Si dernier échec :
    • Hystérectomie inter-annexielle (totale ou subtotale)
    • +/- Facteur VIIa recombinant (rFVIIa)
Algorithme de prise en charge d'une HPP retardée après césarienne
Voir la transcription de l’image

Algorithme de prise en charge d’une HPP retardée après césarienne

1. Diagnostic
  • Saignement vaginal excessif et/ou altération des constantes maternelles
  • +/- Échographie abdo-pelvienne (rétention, hémopéritoine)
2. Prise en charge initiale
  • Remplissage (cristalloïdes +/- colloïdes) +/- vasopresseurs
  • Bilan biologique : NFSp, TP, TCA, Fibrinogène +/- Hémocue®
  • Évaluation hémodynamique
  • Feuille de surveillance HPP
  • Concertation anesthésiste/obstétricien

3. Orientation selon la cause du saignement
Atonie utérine
  • Massage utérin
  • Oxytocine IV lente (max 40 UI)
  • Sulprostone si échec ou d’emblée selon gravité
Si échec
  • Patiente stable :
    • Ballon intra-utérin
    • Embolisation +/- transfert
  • Patiente instable → Laparotomie (AG si instable)
Hémopéritoine ou autre cause de saignement
  • Doute sur : plaie utérine, pédicule utérin, lombo-ovarien, autre
  • Laparotomie (AG si instable)

4. Si échec des mesures précédentes
  • Suture éventuelle des plaies et déchirures +/- Ligatures vasculaires
  • Techniques d’hémostase chirurgicale conservatrices :
    • Capiton­nage, compression et/ou ligatures vasculaires (LBAU ou LBAH)
Si nouvel échec → Hystérectomie inter-annexielle (totale ou subtotale)
  • +/- Facteur VIIa recombinant (rFVIIa)

5. Mesures complémentaires en cas d’échec et instabilité
  • Prévention de l’hypothermie
  • Maintien de la pression artérielle (remplissage cristalloïdes +/- colloïdes +/- vasopresseurs)
  • Limiter la concentration des halogénés (notamment si atonie)
  • Poursuite des utérotoniques (oxytocine ou sulprostone)
Produits sanguins et traitement adjuvant si besoin :
  • +/- Acide Tranexamique
  • +/- Transfusion de culots de globules rouges
  • +/- Plasma frais congelé
  • +/- Fibrinogène
  • +/- Plaquettes